Conférence sur le thème de
L’Eucharistie dans nos vies
Sion,
le 26 Mars 2019
En préparation de ce soir, un prêtre ami m'a fait part de plusieurs suggestions sur des sujets que je devais absolument aborder dans mon discours. Animé par un véritable zèle pastoral, ce bon prêtre a voulu m'encourager dans ma tâche à approfondir pour vous le sens de la centralité de l'Eucharistie dans la vie de chacun de nous : prêtres, consacrés, fidèles laïcs, jeunes, adultes ou personnes âgées. Il m'a proposé de bonnes idées et j'aurais dû les retenir toutes immédiatement, car c'étaient des principes bons et utiles, essentiels à la vie chrétienne. Par oubli ou autrement, je ne serai jamais capable de faire tout ce qu'il voulait de moi. Patience ! Pour justifier mes lacunes, disons ceci : de l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne, avec moins d’une heure de temps pour mon intervention de ce soir, je ne peux pas tout dire ; même en une semaine d’exercices spirituels, avec peut-être une douzaine de conférences, chacune de cette longueur, je ne pourrais pas couvrir tous les aspects. Nous faisons ce que nous pouvons en cette soirée de carême, laissant le reste à d’autres, à d’autres occasions, à votre lecture personnelle ou à un autre conférencier l’année prochaine !
Il faut dire que l'insistance de ce prêtre en votre faveur, selon laquelle je dois faire de mon mieux pour vous ce soir, est inspirée par l'importance objective pour la vie du monde de l'Eucharistie en soi. La vie chrétienne comporte de nombreuses composantes, mais l’Eucharistie en est la pierre angulaire. Aujourd'hui, dans certains milieux de l'Eglise, il existe un débat animé, fort, sur ce que devrait être idéalement l'Eucharistie dans la vie de l'Église, et donc dans nos vies. Je vais essayer de vous donner quelques idées pour votre réflexion et j'espère aussi pour votre vie de foi.
Pour commencer, je pense qu’il est utile de suggérer une clé pour accéder à la discussion dans certains milieux de l’Église aujourd’hui. Je veux faire un tableau tiré des discussions en cours sur l’importance de l’Eucharistie dans la vie de chaque chrétien et dans la vie de l’Église comme telle. Ce sont les sujets qui informent ou animent ma réflexion ce soir. Je vous les présente comme chapitres introductifs que je souhaite poursuivre avec une réflexion sur la beauté de l’Eucharistie, distincte de l’esthétique comme critère de discernement sur l’Eucharistie, puis quelques réflexions sur la nécessité de redécouvrir la prière personnelle en tant que constante de la vie de chaque personne baptisée.
Voici les thèmes introductifs :
1. Eucharistie : "Fons et Culmen" - source et sommet : "Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre"
2. Le renouveau dans la vie de chacun du sens du péché personnel, à travers la célébration régulière du sacrement de pénitence (appel aux prêtres)
3. Présence dans l’Église de la forme extraordinaire de la messe comme présupposé pour l’enrichissement mutuel des deux formes de l’unique rite romain (aux prêtres et aux évêques : il est temps de mettre fin à la résistance contre le Vetus Ordo)
4. Le clergé au service d'une ecclésiologie centrée sur la famille.
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1. Eucharistie : “Fons et Culmen” - “ Sans dimanche nous ne pouvons pas vivre”
Nous qui sommes convaincus de la constante doctrine de l'Église, réaffirmée lors du Concile Vatican II et reprise dans le Catéchisme de l'Église Catholique, doctrine selon laquelle l'Eucharistie est la source et le sommet de notre vie chrétienne, je crois que nous vivons tous le drame de nombreux frères et sœurs autour de nous. Ils se déclarent catholiques, mais sans raison valable, ils manquent souvent le rendez-vous de la messe du dimanche. Tout le reste, si typique du catholicisme, pourrait tomber, mais nous vivons de la messe et par la messe. Je ne veux pas dire là que nous devrions tous vivre la foi à la manière des moines, mais que la messe du dimanche constitue notre essentiel point d'ancrage au milieu du reste. Disons-le clairement : il ne sert à rien que les parents fassent des sacrifices pour envoyer leurs enfants à l'école catholique s'ils ne vont pas à la messe le dimanche avec eux. Eucharistie : source et sommet de notre foi !
C'est un précepte de l'Eglise qui oblige à assister à la messe le dimanche et les jours d'obligation comme Noël sous peine de péché mortel. Mais pourquoi cette loi ? Cela fait partie des préceptes établis comme devoir minimum de chaque baptisé. Ceux qui sont membres de l'Église catholique doivent faire au moins cela ; la sainteté évidemment exige beaucoup plus. Il faut dire que cette loi a certainement sa logique anthropologique et théologique. Notre nature humaine est telle que l'homme, en tant que créature qui est au sommet de la création, doit offrir un sacrifice de louange et d'action de grâce à Dieu pour le don de sa vie. Nous devons tout à Dieu et il appartient à Dieu de déterminer quand et comment le remercier pour ses bienfaits. Pour les chrétiens le dimanche, jour que Dieu s'est choisi, il s'agit de renouveler le sacrifice parfait de Jésus, offert une fois pour toutes sur la Croix. Il vaut la peine de s'en tenir en cela à la confession de foi de saint Justin, martyr, devant le juge païen qui l'a condamné à mort : "Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre". Justin a témoigné que la messe dominicale est l'essence même de la vie chrétienne, c'est la condition sine qua non. Oui, le repos du dimanche a son importance pour notre dignité humaine, nous sommes des hommes libres et non des esclaves du travail, mais le plus important est le fait que nous ne pouvons pas vivre dans ce monde sans offrir à Dieu le sacrifice de louange, le renouvellement du sacrifice de la Croix de Jésus qui nous a sauvés du péché et de la mort éternelle, c’est-à-dire l’Eucharistie, sacrifice parfait du Christ au Père éternel. C'est ainsi que nous avons été créés et ainsi que nous avons été sauvés par Dieu. Nous devons correspondre à son amour sans limites pour nous, et le faire selon la manière établie par Lui.
Notre obligation, sous peine de péché mortel, ne consiste pas à aller à l’église allumer une bougie ou assister à un service quelconque de la parole, mais puisque nous avons fait notre première communion, notre devoir est de nous unir chaque dimanche au sacrifice du Christ sur la croix. Comme Saint Justin, martyr, nous sommes fermes ; nous n'admettons aucune substitution à notre devoir : "Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre". Oui, le dimanche signifie le Sacrifice de la Messe.
Tous les catholiques n’ont pas ce sens aujourd’hui ; il est nécessaire pour vous de le récupérer. Si nous réussissons à rétablir ce sentiment d’obligation absolue et si nous sommes clairs sur ce que nous faisons à la messe, j’ai confiance que nous trouverons la liberté de vivre l’évangile qui nous sauve, de le vivre pleinement et dans la joie. Cela semble être une contradiction dans les termes, mais précisément dans l'obligation d'aller à la messe tous les dimanches, nous retrouvons notre libération, notre pleine dignité devant Dieu.
2. Le renouveau dans la vie de chacun du sens du péché personnel à travers la célébration régulière du sacrement de la pénitence (un appel aux prêtres)
Déjà avant le Concile Vatican II, le sens du péché personnel dans la vie chrétienne s'était érodé. L'orgueil jouait un rôle important à cet égard ; se confesser était trop pénible pour certains. Au fil des ans, la situation n'a fait qu'empirer : d'une moyenne d'une confession par mois chez les bons catholiques, nous sommes arrivés à une situation où des années s'écoulent entre les confessions et je parle bien de personnes qui vont à l'église. Si dans le sacrement nous nous reconnaissons pécheurs, nous pourrons mieux reconnaître le sens profond et beau du don de l'Eucharistie pour nos vies.
Je me permets ici une critique de mes prédécesseurs et contemporains dans le sacerdoce ministériel, en particulier en Occident, qui ont manqué et manquent encore de zèle pour la promotion du sacrement de pénitence. Certains prêtres avancent l'excuse qu'il n'y a officiellement l'obligation de se confesser uniquement si l'on est conscient d'avoir commis un péché mortel ou sinon une fois par an, normalement en préparation de la Sainte Communion à Pâques. Pour ce motif en particulier, il y a maintenant des générations de prêtres qui, non seulement ne se rendent pas disponibles à l'église à des heures déterminées dans le confessionnal, mais qui tentent de décourager la confession personnelle et spécifique des péchés, même véniels, avec absolution individuelle. Si ce n’est rien d’autre, ces prêtres, rebelles à la discipline traditionnelle de l’Église, sont, par négligence, des chiens muets qui n’aboient pas à l’approche du loup qui attaque le troupeau. Ils n'entreprennent rien contre la tromperie du diable, qui voudrait nier l'existence et la gravité du péché personnel. Je crains vraiment pour le salut éternel de certains prêtres à cause de l'omission du sacrement de pénitence dans leur vie personnelle et de la négligence dans leur engagement envers les fidèles, c'est-à-dire pour le bien des âmes qui leur sont confiées.
Certes, la confession n'a jamais été facile pour personne et de nombreux catholiques se sont faits complices de la négligence de leurs pasteurs. Le prêtre ne peut pas prendre les gens par le cou pour qu'ils viennent se confesser ; ils doivent se présenter librement. Le discours se complique du fait de l'ignorance de tant de baptisés. Il ne serait pas exagéré de parler maintenant de trois générations qui n’ont pas reçu une formation catéchétique adéquate et qui, du fait des prêtres ou des parents, n’ont pas la moindre idée de leurs obligations en matière de foi. Ce n'est pas tellement que l'ignorance nous libère du péché et de l'obligation, mais ces baptisés se retrouvent perdus et en danger de mort. Ils ne connaissent pas le Christ et ne vivent donc pas dans la liberté des enfants de Dieu.
Ce manque du sens du péché dans la vie de chaque catholique joue un grand rôle dans la confusion à propos de la nature de l’Eucharistie en tant que renouvellement du sacrifice du Calvaire pour notre vie. Il n’est pas exagéré de parler avec douleur de toutes les communions sacrilèges de personnes qui la reçoivent en état de péché grave ou encore de manière inconsciente, sans avoir examiné leur cœur sur la façon dont elles se tiennent devant Dieu.
Je le répète : les prêtres deviennent des complices dans cette situation tragique en raison de leur négligence à donner le bon exemple et à exhorter les chrétiens à changer leurs vies. Les chiens muets doivent commencer à aboyer.
3. Présence dans l'église de la forme extraordinaire de la messe comme présupposé pour un enrichissement mutuel des deux formes de l'unique rite romain (prêtres et évêques : il est temps de mettre fin à votre résistance contre le Vetus Ordo)
Si vous voulez, ce point est fondamentalement un appel à la tolérance au sein de l'Eglise et au respect des directives du Pontife Romain.
Avec la publication de Summorum Pontificum, le 7 juillet 2007, Lettre apostolique en forme de motu proprio de Pape Benoît XVI, avec les autres documents associés, tous et spécialement les évêques, nous avons reçu l'invitation du Pape à collaborer à la promotion de l'enrichissement mutuel des deux formes du seul rite romain. Attention ! Est-ce que le nonce se montre traditionaliste, oui ou non ? Ce n'est pas si simple - je ne nie pas que je fais volontiers un peu de réclame pour la messe tridentine, mais en ce moment je veux mettre l'accent sur l'enseignement du pape Benoît XVI dans Summorum Pontificum et ailleurs dans ses écrits. Je m'explique.
Il y a un an, j'ai accepté de donner deux conférences à un groupe de prêtres, membres d'une association nationale irlandaise. La réunion a eu lieu au sanctuaire marial de Knock dans l'ouest de l'Irlande. Un des points sur lesquels le groupe m'a demandé conseil était la façon de célébrer la messe avec plus de révérence et de recueillement. Je dirais que généralement chez les prêtres et les catholiques de bonne volonté, ce désir est présent partout dans l'Église. Comment s'y prendre ? Le problème et donc la sagesse de l’appel du pape Benoît XVI est dans son invitation à laisser une place à l’ancien rite et ceci précisément pour favoriser l’enrichissement mutuel entre les deux formes de la messe (Vetus et Novus Ordo). Malheureusement, surtout dans l'Ouest, dans la plupart des paroisses, la célébration selon le Missel de Paul VI est vécue comme une chose sans ancrage, sans point de référence faisant autorité, qui dise : oui, ceci est respectueux, ceci est moins respectueux et ceci ne l'est pas.
En clair et en référence à mon expérience ici en Suisse, il y a quelques mois, j'ai dû annuler une invitation dans une paroisse où ils ont annoncé qu’ils voulaient ce dimanche utiliser une lecture non tirée de la Sainte Écriture et supprimer d'autres parties de la messe pour permettre une grande procession d'offertoire. Ils m'ont écrit d'avance pour justifier ces modifications et suppressions sous prétexte que le temps disponible pour la messe était limité. Une autre fois, dans une autre paroisse, ils m'ont demandé si cela me faisait difficulté que les garçons préparent un peu de hip hop, je pense au rite pénitentiel de la messe. J'ai dit que c'était faux et ils ont abandonné le hip hop. Le problème est que vous pouvez dire ce que vous voulez, mais dans l'esprit de certaines personnes, la loi en vigueur et les rubriques relatives à la messe ne fixent pas certaines choses sans équivoque. Bien sûr, cela fait partie de l'esprit anti-normes (anti-loi) de notre époque, mais une personne, un prêtre ou un laïc, qui tient à la loi est étiqueté comme trouble-fête ou râleur. Dans le climat actuel d'arbitraire du Novus Ordo, il n'y a pas de pouvoir contraignant auquel je puisse faire appel. Je peux seulement dire non aux choses que je sais contraires à la loi ou refuser de participer. Depuis des décennies, on peut dire que la situation du Novus Ordo est en constante dégradation ou du moins en stagnation.
En cela, je trouve sage l'approche du pape Benoît : un enrichissement mutuel des deux formes. Il y a ceux qui disent que c'est trop peu de se concentrer sur l'enrichissement mutuel. Je voudrais bien voir pourtant si les évêques et les paroisses qui accorderaient une place et un soutien à la promotion du Vetus Ordo auprès de ceux qui le souhaitent ne feraient pas des miracles par cette générosité. Je crois que plus d'ouverture à la célébration du Vetus Ordo communiquerait, d'abord au clergé puis aux fidèles de bonne volonté, un vrai sens de révérence et une compréhension claire de la vraie nature du sacrifice de la messe, éliminant ainsi les abus si fréquents aujourd'hui avec le Novus Ordo. Je parle ici d'un premier pas pour retrouver la qualité de célébration requise dans le domaine liturgique.
Je suis assez vieux pour me souvenir de la violence (souvent de petite taille, mais parfois aussi de grande) avec laquelle la réforme liturgique a été imposée aux fidèles qui ne cherchaient rien de tel il y a cinquante ans. Je pense que le pape Benoît, avec Summorum Pontificum, voulait réparer cette violence, en rendant tous ses droits au Vetus Ordo, mais en évitant de nouvelles violences. C'est-à-dire que Summorum Pontificum a été promulgué pour restituer un espace dans l'Église à la messe de tous les temps, mais aussi pour réparer les péchés et les sacrilèges commis dans le passé avec l'imposition du Novus Ordo.
À cela, le pape Benoît a ajouté l'idée d'un enrichissement mutuel des deux formes (Vetus et Novus Ordo). D'une part, la notion est bonne et correspond à la volonté du concile Vatican II en faveur d'une réforme liturgique. D'autre part, le Pape Benoît a constaté que la réforme postconciliaire avait déraillé. Il n’est pas possible que la Sainte Liturgie soit comme elle est aujourd’hui (je le répète), surtout dans les paroisses d’Occident. Nous vivons souvent la célébration selon le missel de Paul VI comme une chose sans ancrage, sans point de référence faisant autorité qui dise : oui, ceci est respectueux et ceci ne l'est pas. C’est faux d’appeler Divine Liturgie ce qui se passe dans de nombreuses paroisses le dimanche. Dieu par son unique et véritable Église ne peut être si arbitraire. Il suffit d’interroger n'importe quel enfant ou adolescent et ils vous diront que certaines choses sont l'invention du prêtre, du diacre ou de "Madame Une Telle".
Ce soir, je veux simplement lancer un appel à votre compréhension pour la supplique que j'ai adressée en premier lieu aux prêtres et aux évêques, afin de rendre possible cet enrichissement mutuel, surtout en laissant tomber leur opposition à la célébration du Vetus Ordo. Sur mon blog, parlant souvent aux évêques et aux prêtres, je présente ma joie de découvrir le Vetus Ordo. Joie pour moi dans la découverte en tant qu'évêque de la messe tridentine, que ce soit sous la forme de la messe pontificale et ou sous la forme plus simple de la messe "prélatique". Il appartient aux évêques de jouer un rôle de premier plan, de leader dans la réparation des dégâts historiques et dans la préservation de la perle précieuse du Sacrifice de la Messe. Pour ce faire, ils doivent donner place à la tradition, à ce qui était et est une constante de la vie de l’Église.
Pour ce soir, je lance mon appel dans le sens de la demande de ce groupe de prêtres irlandais de pouvoir trouver ou identifier en quoi consiste une messe célébrée avec respect. Ici aussi, comme dans les points précédents, je ne me gêne pas de dire que la clé est de comprendre la nécessité qui qualifie les choses qui sont de Dieu. Il y a évidemment beaucoup plus en jeu ici, que je laisse à d’autres ou à d’autres occasions.
4. Le clergé au service d'une ecclésiologie centrée sur la famille.
Lors de l'écriture de cette partie, j'ai vu le 9 mars un titre en allemand qui parlait d'une manifestation en cours dans le centre de Zurich. À l'occasion de la Journée de la femme, des centaines de femmes auraient manifesté en faveur de l'égalité des droits. Gleichberechtigung, égalité des chances devant la loi ... on en parle souvent dans le monde d'aujourd'hui.
Il y a aussi des gens dans l'Église qui pensent qu'il devrait y avoir un droit égal et l'accès égal aux ministères, c'est-à-dire des femmes prêtres, etc. Dans un article annonçant une table ronde sur le sujet à la Faculté de théologie de Coire, on lisait comme sous-titre : Die katholische Kirche lebt vom Engagement der Frauen in den Gemeinden und in den Bistümern. Von geistlichen Ämtern sind sie bislang aber ausgeschlossen. Könnte sich das in wenigen Jahren ändern? (Traduction française : L’Église catholique vit de l’engagement des femmes dans les communautés et dans les diocèses. Cependant, elles sont toujours exclues des ministères. Cela pourrait-il changer dans quelques années ?) On peut comprendre l'ambition du genre parmi ceux qui parlent du sacerdoce en mettant l'accent presque exclusivement sur le gouvernement plutôt que sur l'enseignement et la sanctification. Au lieu de cela, avec l'Eglise centrée sur l'Eucharistie, il sera possible de mieux voir sa nature comme Dieu la veut. Il est vrai que l'Eglise ne vit pas autant de l'engagement des fidèles que du Christ Dieu lui-même que nous rencontrons sacramentellement dans l'Eucharistie. Les personnes qui recherchent des droits égaux ne comprennent pas les paroles de Jésus à Marthe au sujet de l’unique nécessaire et du fait que Marie a choisi la meilleure part. Le pouvoir de décision n'est pas la priorité du sacrement de l'Ordre.
Attention ! Ici, je ne dis pas seulement que le prêtre n’a pas tant à commander mais à servir. Avec le binôme service/commande, nous ne nous éloignons pas de la logique du pouvoir. On ne quitte pas la logique des revendications de ceux qui veulent servir, c'est-à-dire commander dans l'Église. Le prêtre, comme la communauté de l'Église elle-même, vit, comme le dit saint Justin, martyr, de l'Eucharistie, du Sacrifice du Christ. Quelle est la nature de l’Eglise ? Essentiellement et avant tout, l’Église se tient devant le trône du Très-Haut pour rendre grâce pour la vie du monde et le salut en Christ ; c’est une communauté eucharistique. Tout l'aspect social et organisationnel n'a de sens que dans la subordination à notre cheminement vers Dieu et son Royaume.
En résumé : l’Église n’est pas une association mondaine, comme le Rotary International ou les Lions Clubs. Des sociétés commerciales, mais aussi des cliniques et des hôpitaux, sont configurés ou reconfigurés pour optimiser leur service en fonction des objectifs pour lesquels ils ont été créés. De tels modèles n'aident pas à comprendre la nature intime de l'Église en tant que Corps mystique du Christ. L'utilisation exclusive de modèles sociaux ou terrestres n'aide pas de découvrir la raison d'être de l'Église.
Etant sauf notre respect pour les communautés chrétiennes issues de la Réforme protestante, nous pouvons dire que ce qu'elles ont fait n'était rien d'autre qu'un démantèlement de l'Église dans sa véritable nature. L’historien Eamon Duffy, dans son livre intitulé « Le dénudage des autels » (The Stripping of the Altars. Yale University Press. Kindle Edition, 2005), analyse la religion traditionnelle en Angleterre de 1400 à 1580 et décrit la belle vitalité de l’Église catholique pendant cette période en Angleterre, vitalité que la réforme protestante a détruite. Nous sommes toujours là : celui qui s'éloigne de l'image de l'Église comme Epouse de l'Agneau, abandonnant le contemplatif au profit du fonctionnel, détruit. Die katholische Kirche lebt vom Engagement der Frauen in den Gemeinden und in den Bistümern? Pas du tout ! Comme Israël dans le désert, l’Église vit par la main de Dieu qui nous donne du pain du ciel et elle boit l'eau du rocher qu'est le Christ. L'aspect social de l'Église est toujours subordonné au dimanche, au Sacrifice de la Messe.
L'Eglise existe par la volonté de Dieu et la volonté de Dieu ne peut être que juste. L’Église, oui, est une réalité de ce monde, mais par la volonté de Dieu ainsi ordonnée, fondée par le Christ lui-même sur les apôtres. Aussi une vocation au sacerdoce, n'est pas une invitation à assumer un rôle constructif dans la société. À la prêtrise, l'homme est appelé précisément par Dieu par l'autorité de l'Église. Cet appel n'est pas la simple aspiration de l'individu mais reflète une réponse à la volonté divine communiquée à travers l'Église. La logique de cette vocation s’explique avant tout dans la logique du sacrifice d’adoration et du sacrifice personnel du prêtre. C'est une tâche prophétique assumée en réponse à l'invitation de Dieu à travers son Église. « Alors j'entendis la voix du Seigneur qui disait : "Qui enverrai-je? Qui ira pour nous ?" Et je dis : "Me voici, envoie-moi." » (Isaïe 6, 8).
Dans un certain sens, il n'est pas nécessaire de regarder au-delà du diagnostic de crise d'identité du prêtre pour comprendre pourquoi, aujourd'hui, dans l'Église, les problèmes complexes que l'on entend et lit dans les medias sont si fortement ressentis : la promiscuité dans le clergé, en particulier les homosexuels, y compris l’abus de mineurs, le matérialisme, avec un clergé fixé sur le matériel, souvent lié à l’alcoolisme ou à la toxicomanie. La vie ascétique, le renoncement aussi aux bonnes choses pour l'amour du Christ, où se trouve aujourd'hui la vie sacrifiée du curé d'Ars ?
Qu'est-ce que Dieu attend de ses prêtres ? Qu’ils soient de bons gestionnaires ou des experts en relations publiques ? Non ! La priorité va à la sainteté de la vie et à l'identification avec la personne du Christ. Qu'est-ce que le sacrement de l'Ordre pour l’Église ? Le prêtre est là pour se tenir pour nous à la place du Christ, au Sacrifice de la Messe. Le prêtre est là pour confesser au nom du Christ. Par la sainteté de sa vie, c'est-à-dire, en se conformant au Christ crucifié, il se prépare non pas à dicter la loi, mais surtout à offrir des sacrifices en faveur du peuple.
De toute évidence, la célébration de l’Eucharistie pour le peuple devant Dieu est l'essentiel, certes, mais ce n’est pas tout. Le drame existentiel de l'évangélisation est le drame de l'Église qui vit, se développe et prospère, en particulier dans le contexte de la famille. Caritas Christi urget nos! Que signifie l'égalité des lois dans un contexte institutionnel lorsque la mission de l'Église est de nous faire connaître l'amour de Jésus et de se réjouir précisément de cet amour de Dieu pour chacun de nous ? L’Église ne travaille pas dans le cadre du conseil de paroisse mais dans l’intimité de la vie familiale.
Toute vocation dans l'Église, que ce soit au sacerdoce, à la vie consacrée, ou au mariage et à la famille, est orientée vers la réalisation de la réponse à la première question du catéchisme : Pourquoi Dieu m'a-t-il créé ? Dieu m'a fait pour connaître, aimer et servir dans cette vie et être heureux avec lui dans la vie future. Les commandements sont finalement deux : aimer Dieu plus que tout et aimer son prochain comme soi-même. En ce sens, tout provient du dimanche, c’est-à-dire de ma vocation à être avec le Christ, le Christ sur la croix. Un cœur brisé et humilié, ô Dieu, ne le méprise pas ! Égalité de droit ? Qu'est-ce que l'office a à voir avec le témoignage de l'amour de Dieu et de son plan pour le salut du monde ? Au lieu de cela, nous devons nous engager à cent pour cent, en sacrifiant tout, pour amener le monde au Christ, en commençant par chez nous à la maison.
Le clergé au service d'une ecclésiologie centrée sur la famille. Je suis bien conscient que j'aurais pu faire toute ma présentation de ce soir en mettant l'accent sur ce point en référence à l'Eucharistie. Je fais trop peu mais je le laisse comme ça. Je crois que, dans le monde d'aujourd'hui, il est important de dire que le ministère, tel qu'il est compris de ce monde, compte bien peu en comparaison avec le mandat d'évangélisation à travers le témoignage d'une vie sainte et vertueuse.
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Une réflexion sur la beauté, distincte de l'esthétique
Si des philosophes ou d’autres têtes pensantes sont présents ici ce soir, ils me diront : "Mais, Excellence ! Même l'esthétique a ses canons ! Ce n'est pas une chose déterminée par caprice !" D'accord, mais je demande la compréhension de mon dilemme, ce qui se voit clairement dans le problème de l’insuffisance du Missel de Paul VI pour décider des arguments sur ce qui est respectueux et ce qui ne l’est pas. La révérence est ce qui convient à Dieu. Grotesque est tout ce qui a été jeté là avec un “Here! Take it or leave it!” ("Ici ! C'est à prendre ou à laisser ! "). Comme si j’avais le choix de décider de ce qui convient à Dieu ou de ce qui plaît à Dieu. Je ne pense pas qu’il s’agit ici d’une opposition entre la vérité fondée en Dieu et le relativisme qui n’accepte pas un objectif vrai ou suprême. Je veux seulement dire que ce n’est pas à moi de décider en fonction de mes propres goûts de ce qui plaît à Dieu.
Il existe aux États-Unis un mouvement de renouveau liturgique appelé "Life Teen", aujourd'hui en faillite, fondé sur le principe selon lequel ce qui plaît aux jeunes adultes doit nécessairement attirer leurs enfants vers une vie liturgique active ... hip hop ! Le mouvement s’est effondré, entre autres, parce qu’il était lié à une compréhension limitée du concept de participation active à la liturgie, encore plus réduit par l’adoption des goûts des parents concernés comme critère esthétique pour aider leurs enfants adolescents. La formule esthétique proposée aux enfants comme modèle était insuffisante parce que basée uniquement sur les goûts des hommes et des femmes âgés de quarante à soixante ans.
Quand je parle de beauté, je ne parle pas des prétendus canons de beauté, conditionnés par le moment et donc arbitraires. Si je parle mal de l'esthétique, je le fais dans le sens d'une théorie insuffisante et donc pouvant être rejetée. Si je parle de la beauté comme absolue, je le fais comme d'un bien ou d'une vérité absolue, et par conséquent aussi étrangère au relativisme contemporain qui nous laisse sans repères et fait de nous une balle de jeu des vagues. Nous devons comprendre qu'insister sur les absolus n'est pas un volontarisme irresponsable devant des conditions existentielles, mais le sens commun soutenu par un édifice intellectuel de grand poids et aux proportions historiques larges.
Beaucoup critiquent la position traditionnaliste dans l'Église comme étant à peu près équivalente aux goûts des personnes nées dans la seconde moitié du XXe siècle à la "Life Teen". Oui, l'homme de la rue aujourd'hui a peut-être plus de sympathie pour le baroque que pour le gothique ou le roman, mais ce seul fait n'explique pas l’attachement d’une solide minorité à la messe de tous les temps.
La redécouverte de la tradition dans l'Église n'est pas et ne peut pas être tout. C'est avant tout une question de justice et de réparation pour les excès du demi-siècle écoulé. Les églises vides de l’Occident le dimanche témoignent entre autres de l’échec de l’expérience de la période. De toute évidence, le missel de Paul VI n'était pas la réponse adéquate à la crise des temps. Ils disent qu'un principe certain de la beauté est l'ordre. Personnellement, peut-être à cause de mon tempérament et de mon éducation familiale, je suis prêt à tout risquer pour que l'Evangile propose le bel ordre de la tradition comme antidote au relativisme de notre époque.
Il semble que chaque mouvement de réforme dans l'Église a eu sa composante monastique. Je pourrais faire une grande litanie de réformateurs monastiques : Saint Benoît, Saint Martin de Tours, Saint Bernard de Clairvaux, Saint Norbert, etc. Avec l’Office divin et l’Eucharistie au centre de leur vie communautaire, jour et nuit à l’église, ils nous ont offert un refuge à nous, autres membres de l’Église, au cours des siècles. Ils nous ont offert une belle vie surtout parce qu'elle était ordonnée.
Ceux qui dirigent leur vie vers une sorte de "surprise finale" vers un résultat indéterminé, comme s'il s'agissait d'une aventure de science-fiction, se trompent. Nous connaissons notre Dieu en Christ et nous lui correspondons dans des termes propres à l'Église de tous les temps.
Sur la nécessité de redécouvrir la prière personnelle en tant que constante de la vie de chaque baptisé
Ici, je veux chanter les louanges de l'adoration perpétuelle. Je veux chanter les louanges de l'adoration perpétuelle en tant que moment privilégié de la vie de prière de chaque baptisé. C’est une oasis au milieu des tempêtes de notre vie, parfois trépidante et agitée.
Nous adorons, nous louons Jésus eucharistique. Dans le cinquième mystère lumineux du saint Rosaire, nous contemplons Jésus qui nous nourrit de son corps et de son sang. Adorer Jésus présent dans le sacrement de l'autel est le prolongement naturel de la célébration eucharistique. Source et sommet : tout dans la vie du baptisé s'enracine dans le dimanche et trouve son expression la plus parfaite dans la communion des saints. Le dimanche doit être préparé et ensuite contemplé. Nous ne pouvons pas faire mieux que de prendre une heure par semaine pour le faire devant le Saint Sacrement conservé sur l'autel.
Bien sûr, nous ne sommes pas des moines et nous n'avons même pas la vocation de frères mendiants. Néanmoins, nous sommes faits pour la prière, qui demande plus ou moins, selon notre situation de vie. Le bon rythme sera trouvé si on est ouvert et de bonne volonté. Je pense à la vie de ma mère qui a évolué avec les années, en partant du plus fondamental : messe du dimanche, confession tous les mois, prières à table et avant d'aller se coucher, prières avec les enfants, chapelet avant la messe à l'église puis à la maison les mois de mai et d’octobre, puis à un âge avancé une prière avec une étude encore plus exigeante, jusqu’à une prière presque constante dans la dernière maladie. Nous commençons par la faim et la soif de Dieu, par l'amour de la Vierge Mère de Dieu, par une certaine amitié particulière avec les saints, et tout le reste viendra de lui-même.
Un de mes privilèges en tant que ministre du sacrement de la confirmation est de recevoir des lettres personnelles de la part des jeunes qui se préparent à recevoir la confirmation. Normalement, ils écrivent, selon la logique, qu'ils ont été baptisés dès l'enfance dans la foi de leurs parents et que, à l'âge de raison, ils doivent s'approprier ce don de la foi, cette grâce qui nous a sauvés du péché et de la mort éternelle par l'eau du baptême. C'est bien, qu'ils fassent ce choix à l'occasion de la confirmation. Depuis que je suis en Suisse, j'ai reçu tellement de lettres et je dois dire qu'elles sont toujours bien faites et de bonne volonté. Parfois, elles expriment un sens presque folklorique du sacrement, mais parfois elles ont une profondeur édifiante. J'aime particulièrement les lettres qui reflètent leur pratique de foi individuelle et personnelle : messe du dimanche, confession régulière, mais plus encore, la vie de prière qui mène cette personne dans sa famille.
Les jeunes les plus perspicaces décrivent cette vie de prière en détail. Ils parlent de prières aux repas, de leur offrande à Dieu du jour qui vient de se lever le matin, de l'examen de conscience et de la prière de protection pour la nuit avant de se coucher. J'ai lu des lettres de très jeunes gens qui s'engagent à lire chaque jour un petit passage de la Bible et à prier seul ou en famille, au moins une partie du rosaire le soir après le souper.
Ceux qui ne prient pas ont du mal à imaginer la possibilité de trouver du temps pour cela et peut-être même en plus pour prier l'Angélus trois fois par jour (à 6h, 12h et 18h environ). La lutte qui se poursuit dans notre vie personnelle et familiale consiste toutefois précisément à rendre gloire à Dieu, en avouant que tout le bien de la vie : loisirs, sport, études, travail et que sais-je encore, doit être subordonné au sens de la présence de Dieu dans ma vie, que je ne peux garantir que par cette élévation d’esprit et de cœur à Dieu que nous appelons la prière.
Les grands-parents font parfois une espèce d'apologie de leurs enfants qui ne prient pas chez eux avec leurs petits-enfants, les excusant parce qu'ils travaillent si dur et rentrent chez eux morts de fatigue. Ridicule ! En tant que peuple eucharistique, il n’y a rien de plus important pour nous que d’orienter notre vie vers Dieu, notre seul bien à présent et pour l’éternité. Si maman et papa ne donnent pas à leurs enfants le sens de la présence de Dieu dans la vie et de son amour qui nous a créés et sauvés, nous sommes malheureusement tous perdus. Le témoignage de foi de maman et papa est irremplaçable. Les parents à qui cela manque échouent complètement.
Je veux terminer ainsi et m'excuser peut-être pour le manque de clarté. J'ai également vu dans la vie des non-catholiques les fruits d'une adoration perpétuelle qui les a rapprochés de l'Église du Christ. Je n'ai jamais vu cela comme résultat des réunions du conseil de paroisse. Je veux seulement dire par là qu’il vaudrait mieux abandonner certaines revendications, en faveur de l'abandon à la volonté impénétrable de Dieu qui se déploie à travers l'Église qui vit de l'Eucharistie.
Loué soit Jésus Christ !